27e journée pastorale interdiocésaine à Louvain-la-Neuve,
le 27 janvier 2022
Eleonora Traversa est animatrice pastorale co-responsable de l’Unité pastorale du Kerkebeek à Schaerbeek, Evere et Haren. Elle suit actuellement un Certificat en théologie pastorale (CeTP). À ce titre, elle a suivi la journée de formation en question, et répond à quelques questions demandées pour le Certificat.
- Qu’est-ce que j’ai appris de nouveau au cours de cette journée/session ? Quels sont les acquis qui ont été confirmés ?
De cette 27e journée pastorale organisée par la Faculté de théologie de l’UCLouvain et les services de formation de diocèses francophones de Belgique – la quatrième à laquelle je participais avec un vif intérêt – voici mes principaux apprentissages.
De l’exposé du prof. Arnaud Join-Lambert (UCLouvain), je retiens que c’est le pape François qui a donné un nouveau sens au mot « synode » depuis 2013 : d’une part, on est passé de la désignation d’une réunion statique à celle d’un processus dynamique ; d’autre part, on a élargi le concept : un synode n’est plus seulement un acte de gouvernement épiscopal mais cela devient un évènement de communion qui appartient à la nature profonde de l’Eglise. J’ai aussi appris de cet exposé qu’il y avait eu une grande réforme du droit canonique en 1983 qui avait fondé la participation de droit ou comme invité à un synode sur le baptême, et non plus sur l’ordination… mais parallèlement M. Vesper a dit que cette même réforme a restreint le droit de vote à un synode aux seuls évêques !
L’exposé qui m’a le plus marquée et intéressée a été l’intervention de M. Stefan Vesper, ancien secrétaire général du Comité central des catholiques allemands, qui a présenté le chemin synodal en cours au sein de l’Eglise catholique allemande depuis 2019. Je savais bien qu’un tel évènement était en cours chez nos voisins et cela suscitait ma curiosité mais je ne savais pas comment il était organisé dans la pratique. M. Vesper a expliqué que les laïcs allemands ont beaucoup d’autonomie et se font respecter en refusant d’être infantilisés par les prêtres et les évêques, ce qui se vérifie dans la composition de leur large assemblée synodale, puisque les laïcs.ques y sont autant que les évêques (69) ! Et que la moitié de ces laïcs sont des femmes ! J’ai trouvé aussi admirable que les 230 membres de cette assemblée soient assis par ordre alphabétique pour assurer un vrai mélange et stimuler le dialogue.
Par ailleurs, j’ai appris que quatre grands thèmes avaient été choisis pour être débattus au sein de forums synodaux guidés par un évêque et un(e) laic(que) : 1) le pouvoir et la séparation des pouvoirs dans l’Eglise – participation commune et partage de la mission ; 2) la vie des prêtres aujourd’hui ; 3) les femmes dans les services et les ministères de l’Eglise ; 4) vivre des relations réussies – vivre l’amour dans la sexualité et le couple. J’admire comme les catholiques allemands osent affronter tous les sujets brûlants sans langue de bois ! Et pas juste pour se donner bonne conscience ou publier un beau texte final, mais avec la volonté d’arriver à de vraies décisions.
Enfin, j’ai apprécié la lucidité avec laquelle M. Vesper a répondu aux détracteurs de ce chemin synodal en rappelant leur objectif : « Le chemin synodal est au service de la recherche commune d’étapes à franchir pour fortifier le témoignage chrétien et créer les conditions et possibilités de l’expérience de Dieu. » Leur but n’est pas de créer un schisme, ni de rejoindre les protestants, même si c’est l’épouvantail qu’agitent leurs nombreux détracteurs ultra-conservateurs – en témoigne la nécessité d’une double majorité des 2/3 pour prendre une décision (2/3 de l’assemblée et 2/3 des évêques). J’ai donc une grande admiration pour le chemin synodal qu’ils ont réussi à mettre en place en Allemagne et je rêverais d’une initiative aussi audacieuse au niveau belge…
- Quelles sont les confirmations, les questions, les interpellations que j’en retire pour le domaine de la pastorale dans lequel je suis engagée ?
L’analyse qu’a faite le prof. Reimund Bieringer (KULeuven) de la première lettre aux Corinthiens, dans laquelle Paul compare l’Eglise, corps du Christ, au corps humain pour souligner l’importance tant de l’unité que de la diversité de l’Eglise, ainsi que la multiplicité, l’inclusion et l’interdépendance de tous ses membres, est une bonne piste pour avancer sur le chemin synodal actuel, surtout quand le découragement guette face à des positions si contraires entre conservateurs et progressistes. En outre, cet exposé m’a fait penser au fait que dans les milieux écologistes, on rappelle souvent qu’avec la crise climatique, « on est tous sur le même bateau » : il est intéressant de voir que cette notion d’interdépendance remonte aux débuts du christianisme et était surement une révolution au 1er siècle de notre ère par rapport aux religions et cultures environnantes.
De l’exposé du Prof. Join-Lambert, je retiens que la démarche synodale s’apprend en la faisant (learning by doing) et que l’invitation – qui est en fait une obligation baptismale – est de se mettre en chemin pour chercher à opérer une conversion ecclésiale en tant que personne, unité pastorale et Eglise universelle. C’était impressionnant d’apprendre que personne ne sait comment vont se réaliser les assemblées continentales prévues pour fin 2022 et que cette expérience inédite se construira chemin faisant, avec la grâce de l’Esprit Saint… Là où je suis restée sur ma faim, c’est quand il a soulevé des questions cruciales sans proposer de pistes de réponses : comment atteindre celles et ceux qui se sont éloignés de nos églises, c’est-à-dire nonante pourcents de ceux qui se disent catholiques en Belgique ! Même déception en ce qui concerne la manière d’inclure à cette démarche synodale les pauvres, les exclus, les sans-voix… En ce qui concerne la participation à la démarche synodale dans les unités pastorales, il a dit qu’en règle générale, ça dépendait des prêtres et que les laïcs étaient assez passifs et sans initiative. Comme je le lui ai fait remarquer à la pause, c’est vraiment dommage de ne même pas évoquer les laïcs et laïques responsables d’unité pastorale, alors que cela fait bientôt 10 ans que l’évêque en nomme à Bruxelles. Quand va-t-on reconnaitre leur existence et analyser les fruits de cette magnifique expérience ? D’ailleurs je parie qu’il y a plus de synodalité dans ces UP…
De l’exposé de M. Stanislas Deprez sur les conseils pastoraux (CP) dans le diocèse de Tournai, je retiens que ceux-ci se réunissent quatre fois par an avec l’équipe d’animation pastorale (EAP). Nous avons aussi un CP qui se réunit le même nombre de fois mais à part : ce serait intéressant de proposer une réunion commune pour tester cette formule, même s’il a lui-même fait remarquer que l’animation d’un si grand groupe est délicate, et que leurs CP et EAP comptent moins de membres que chez nous. Une autre dérive du CP, que j’avais déjà relevée chez nous, est qu’il ne serve qu’à entériner les décisions du curé et/ou de l’EAP ou qu’il ne se limite qu’à un tour de parole pour raconter nos activités. Il est important de garder toujours en tête la mission et les objectifs de ces organes de participation, et de continuer à se former à la gouvernance participative. Enfin, j’ai été frappée d’entendre que le diocèse de Tournai organise des formations diocésaines pour les EAP et des visites à chaque EAP : une attente à transmettre au vicariat de Bruxelles ?
Deux anecdotes en guise de conclusion : d’une part, j’ai beaucoup aimé la remarque de Théophile Kisalu, curé du côté d’Enghien : les paroissiens ont souvent l’impression d’avoir déjà tout essayé, mais qu’a-t-on vraiment essayé ? Je trouve que ça nous secoue et que ça rejoint l’importance de se mettre en chemin et d’encourager quelqu’un qui aurait envie de proposer une initiative au lieu de le plomber avec un certain pessimisme. D’autre part, à la pause, Mgr Jean Kockerols m’a dit qu’il avait encouragé en début d’année tous les responsables d’UP de Bruxelles à laisser prêcher les animateurs et animatrices pastoraux : comme je prêche régulièrement dans nos célébrations dominicales, que j’y prends vraiment plaisir et que les assemblées semblent apprécier, je me suis sentie encouragée, non seulement par ma responsable, mais aussi par mon évêque, à développer ce charisme !
Eleonora Traversa